RÉGIME PARLEMENTAIRE

RÉGIME PARLEMENTAIRE
RÉGIME PARLEMENTAIRE

On peut recenser dans le monde des régimes politiques qui se proclament parlementaires; mais les conditions de leur fonctionnement réel présentent une telle diversité qu’il paraît difficile de les ranger sous le même vocable. Il n’est donc pas surprenant que des discussions passionnées aient eu lieu sur la recherche du «vrai» régime parlementaire. Le problème est d’autant plus complexe que l’on ne peut pas découvrir un critère juridique sûr du régime parlementaire. La séparation des pouvoirs et le bicaméralisme se rencontrent dans d’autres types de démocraties libérales (régime présidentiel américain). Le droit de dissolution n’existe pas dans tous les régimes parlementaires et n’en constitue nullement un élément indispensable. Même la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement n’a pas, à cet égard, une valeur absolue. Il y a longtemps qu’elle fonctionne fort peu dans certains régimes indiscutablement parlementaires (Grande-Bretagne); et elle peut en revanche se trouver dans les régimes conventionnels ou socialistes. Certes cette responsabilité politique est toujours la condition nécessaire de l’existence d’un régime parlementaire. Elle n’en est plus – et n’en a peut-être jamais été – la condition suffisante. De ce fait, il ne manque pas de théoriciens pour mettre en cause la notion même de régime parlementaire, et pour soutenir qu’il est absolument artificiel de ranger dans la même catégorie des régimes aussi divers que celui de la Grande-Bretagne et celui de l’Italie. Et pourtant, entre ces régimes, l’unité existe, au-delà des variantes constitutionnelles, et des différences, parfois profondes, dans les mécanismes politiques. Et il convient, à cet égard, de ne pas se laisser aveugler par la comparaison entre la stabilité des gouvernements britanniques et la fragilité des ministères belges ou italiens. En réalité, ce dernier phénomène est spectaculaire, mais superficiel. Il ne met pas en cause la nature profonde d’un régime, car celle-ci est la même pour les différents régimes habituellement appelés parlementaires, qui constituent bien une catégorie autonome. Seulement, celle-ci est beaucoup moins juridique que socio-politique. Et il faut rechercher ce que recouvre la notion de régime parlementaire à travers l’histoire de ces régimes et le contexte dans lequel ils sont nés, en considérant, dès l’abord, que ce n’est pas fortuitement que l’avènement du parlementarisme a coïncidé, géographiquement et historiquement, avec la naissance du capitalisme industriel.

Il reste le problème posé par le régime français actuel, non inclus ici dans la catégorie des régimes parlementaires. La Ve République, semble-t-il, n’en est pas un. Ses institutions, surtout depuis la réforme constitutionnelle de 1962, en font un régime mixte, mi-parlementaire, mi-présidentiel, dont on trouve d’ailleurs d’autres exemples en Europe (Autriche, Finlande, République d’Irlande), et dont il existe un précédent français: la Constitution de 1848. De plus, son fonctionnement l’a éloignée de plus en plus du modèle parlementaire. Sans doute la France peut-elle revenir à des pratiques parlementaires quand l’évolution politique oblige le président de la République à s’effacer derrière son gouvernement. Mais cette évolution est peu durable. Un autre type de régime politique s’est constitué en France, correspondant à une double logique. Cette précision donnée, il est possible de dégager les caractères généraux des régimes parlementaires, avant d’analyser les principaux régimes parlementaires contemporains.

1. Caractéristiques du régime parlementaire

À sa naissance, au sein des régimes monarchiques européens, le parlementarisme visait à limiter le pouvoir royal; le régime parlementaire est ainsi avant tout un produit de l’histoire européenne, et la caractéristique profonde de ce régime a été son évolution constante en fonction des transformations du contexte politique et social de chacun des pays où il était implanté.

Une création de l’histoire européenne

Le berceau du parlementarisme a été l’Angleterre; l’évolution historique qui conduisit au régime actuel a commencé dès le XIVe siècle, lors de l’institution d’un parlement auprès du souverain; trois siècles plus tard, les conflits incessants entre le roi et le parlement aboutirent au succès de ce dernier. À partir du début du XIXe siècle, la même expérience parlementaire s’est renouvelée dans les pays continentaux, soit d’une manière spontanée (Suède), soit par imitation (France, Belgique, Hollande, Norvège).

Dans tous ces pays, le régime parlementaire a connu les mêmes phases d’évolution. On a assisté à la lente montée politique d’un parlement (comprenant une chambre basse directement désignée par les électeurs) et à la régression simultanée du pouvoir monarchique. Cette dynamique du parlementarisme lui a été donnée par les forces sociales dont il est l’expression; il est une création de la bourgeoisie. Au point de départ, on trouve la même structure sociale: face à un monarque qui détient traditionnellement l’ensemble du pouvoir politique et qui reçoit l’appui de l’aristocratie et de couches sociales dépendant de celle-ci (en particulier une fraction de la paysannerie) se forme une bourgeoisie sous l’influence des transformations économiques. Dans un premier stade, la puissance de cette bourgeoisie demeure faible; elle parvient simplement à faire admettre par le souverain l’existence d’un parlement où, par le mécanisme du suffrage censitaire, elle est représentée. Durant cette première phase, le monarque reste le centre du pouvoir et le parlement, dont les attributions sont réduites (uniquement en matière financière), s’efforce de limiter les prérogatives royales (régime dit de la monarchie limitée). Mais, progressivement, le parlement, et surtout la chambre basse directement désignée par les électeurs les plus riches, a accru ses compétences (en particulier dans le domaine du vote de la loi) et se place sur un pied d’égalité avec le souverain.

Cette situation s’est trouvée réalisée en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, en France de 1830 à 1848, en Italie à la fin du XIXe siècle. Dans tous ces cas, la bourgeoisie s’affirme comme une force sociale véritablement autonome et réclame une participation active au pouvoir politique. On a qualifié ce régime de parlementarisme orléaniste (par référence à l’expérience française de 1830 à 1848). Ce régime d’équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ne pouvait pas se maintenir; la dynamique sociale du régime parlementaire provoqua un effacement du pouvoir monarchique. Cette étape a été franchie avec la phase du parlementarisme démocratique.

L’introduction, brutale ou progressive, du suffrage universel a été décisive à cet égard. L’octroi du suffrage universel avait en effet pour conséquence de faire entrer dans la vie politique les classes paysanne et ouvrière qui en avaient été jusqu’alors exclues; le monopole du pouvoir que les classes dirigeantes traditionnelles (en particulier la bourgeoisie) détenaient dans les régimes censitaires était par là même mis en cause. À la fin du XIXe siècle, l’apparition dans toute l’Europe des partis socialistes qui cherchaient à assurer à la classe ouvrière une représentation spécifique constituait un danger certain pour les oligarchies en place.

En fait, le suffrage universel n’a pas eu de conséquences «révolutionnaires». Au contraire, les premières consultations électorales de ce type ont révélé le caractère profondément conservateur de la classe paysanne, numériquement la plus importante à cette époque. Dépourvus de toute formation politique, ne disposant pas d’une organisation partisane qui leur soit spécifique, les nouveaux électeurs ont apporté, surtout dans les campagnes, leurs suffrages aux autorités sociales traditionnelles; seul l’électorat des grandes villes vota pour quelques parlementaires socialistes qui ne pouvaient d’ailleurs pas mettre en cause la puissance politique des classes dirigeantes. Les oligarchies politiques traditionnelles, issues de l’orléanisme, ont pu se maintenir et, au fur et à mesure de l’apparition d’autres élites politiques, intégrer celles-ci dans leur système politique.

Une démocratie gouvernée

La théorie parlementaire a été construite à partir de deux grandes méfiances, l’une à l’égard des détenteurs du pouvoir, l’autre à l’égard du peuple. Elle a formulé trois principes juridiques qui continuent à inspirer le droit constitutionnel de ces régimes: la séparation des pouvoirs, la soumission du pouvoir au droit et la théorie de la représentation.

La séparation des pouvoirs est un principe d’organisation politique qui se retrouve dans tous les régimes se réclamant du parlementarisme. Elle consiste à opérer une scission du pouvoir en trois organes, le législatif, l’exécutif et le judiciaire, et à confier à chacun d’eux une fonction particulière: le législatif, exercé par une ou deux assemblées élues, a le pouvoir d’édicter les règles à portée générale et impersonnelle (lois); l’exécutif, attribué soit à un monarque, soit à un gouvernement responsable devant le parlement, est chargé d’administrer le pays dans le cadre tracé par le législatif; enfin, le judiciaire, composé de magistrats professionnels, tranche les conflits qui peuvent surgir dans l’application de la loi.

La doctrine classique affirme que le «vrai» régime parlementaire est caractérisé par l’équilibre des pouvoirs. Chaque pouvoir (législatif, exécutif) dispose de moyens d’action à l’égard de l’autre: le parlement contrôle l’activité du gouvernement et peut le révoquer en mettant en jeu sa responsabilité politique; en contrepartie, le gouvernement ouvre et clôture les sessions parlementaires, il a un droit d’entrée et de parole devant les chambres, il dissout le parlement (tout au moins la chambre basse). À l’intérieur même de chaque grand organe, il existe un dualisme et un équilibre: au sein du parlement, une chambre basse élue au suffrage universel et une chambre haute désignée soit par cooptation, soit par voie de suffrage indirect; au sein de l’exécutif, un chef d’État (monarque ou président de la République) irresponsable et un cabinet ministériel responsable devant le parlement.

Le système ne fonctionne que si chaque grand organe, et ses démembrements, accepte de collaborer avec l’autre organe; la théorie classique soutient que le parlementarisme implique une séparation souple des pouvoirs qui permet à chacun d’exercer sa fonction spécifique en collaborant à la réalisation de la fonction dévolue à l’autre: le gouvernement intervient dans la fonction législative en proposant des projets de loi ou en promulguant les lois votées; le parlement est associé à la fonction exécutive en autorisant les dépenses publiques des administrations, en permettant la création des services publics, etc.

Ce mécanisme d’autocontrôle des pouvoirs, qui découle de leur séparation, doit en outre fonctionner dans le strict respect de la légalité. La théorie constitutionnelle classique n’a jamais cessé de proclamer la nécessaire soumission du pouvoir au droit , c’est-à-dire à un ensemble de règles écrites ou coutumières qui précisent son domaine d’intervention.

Si les théoriciens du régime parlementaire ont voulu briser le pouvoir par des mécanismes juridiques complexes, ils ont aussi cherché à écarter le peuple de la conduite des affaires. Le caractère oligarchique de ce régime a été officiellement reconnu dans la théorie de la représentation . C’est au moment de la Révolution française que fut précisé le contenu juridique de la représentation qui se retrouve dans tous les régimes parlementaires. Le raisonnement est construit à partir du principe selon lequel la souveraineté appartient à la nation. Mais celle-ci est une entité abstraite distincte des individus qui la composent; elle ne s’incarne et ne prend conscience d’elle-même que par l’intermédiaire de représentants. Désignés par la nation, ces derniers exercent par délégation la souveraineté. Il se produit un phénomène d’identification; les décisions que prennent les représentants sont censées être les décisions de la nation elle-même; il est logique d’en conclure que les représentants deviennent entre deux élections les dépositaires de la souveraineté.

Sous la Révolution, la théorie de la représentation a justifié les mesures juridiques propres à réserver l’exercice du pouvoir à la minorité bourgeoise. Toutes les constitutions d’inspiration parlementaire ont prohibé explicitement ou implicitement le mandat impératif qui aurait permis aux électeurs d’exiger de leur député le respect de ses engagements ou de l’obliger à démissionner. Le peuple était exclu du jeu politique puisqu’il ne pouvait ni contrôler ses représentants (prohibition du mandat impératif), ni se substituer à eux par des procédures de démocratie directe (référendum, initiative populaire).

Une société politique pluraliste

Tout en respectant ce cadre constitutionnel désuet, les régimes parlementaires ont accompli une mutation profonde depuis l’apparition du suffrage universel. Leur fonctionnement réel diffère des schémas théoriques que le droit constitutionnel classique avait élaborés.

Si le suffrage universel n’a pas été un fait révolutionnaire au moment de son adoption, il a apporté des bouleversements profonds à long terme en suscitant l’apparition de grands partis politiques. La création de partis socialistes donnait un instrument politique à la classe ouvrière et dégageait de nouvelles élites politiques directement issues de celle-ci. Devant cette transformation de la compétition politique, les partis politiques de la bourgeoisie, jusqu’alors simples associations de parlementaires, ont été obligés de s’organiser sur le même modèle et de s’implanter dans l’ensemble du pays. Cette imitation a été particulièrement réussie pour le Parti conservateur britannique et pour les partis catholiques belge et néerlandais.

En fonction des traditions historiques ou du système électoral adopté, le nombre et l’organisation des partis politiques varient considérablement d’un pays à l’autre. D’après le système de partis, le fonctionnement politique de chaque régime parlementaire est parfois fondamentalement différent de celui de son voisin, même si le cadre institutionnel demeure identique. Les régimes parlementaires peuvent être classés, non pas d’après les dispositions de leur constitution, mais en fonction du système de partis auquel ils se rattachent. On oppose les régimes multipartistes (appelés parfois parlementarisme «à la française») aux régimes bipartistes ou à parti dominant (qualifiés parfois de parlementarisme «à l’anglaise»).

Dans le premier cas, la multiplicité des partis (plus de deux partis) ne permet à aucun de ceux-ci d’avoir une vocation majoritaire; au sein du parlement, la majorité résulte d’alliances souvent précaires et instables entre les partis; ces régimes sont alors caractérisés par une faiblesse de l’exécutif (instabilité gouvernementale) et par une omnipotence du parlement (Italie, par exemple). Dans le second cas, la vie politique est dominée par deux partis (Grande-Bretagne, par exemple) ou par un parti dominant à vocation majoritaire (Suède, par exemple). Au sein du parlement, une majorité stable soutient de façon durable l’action du gouvernement; la présence d’un parti détenant la majorité parlementaire assure une prééminence de l’exécutif sur le parlement.

Un pouvoir «médiatisé»

Le pluralisme qui est à la base du régime parlementaire en fait une société politique profondément divisée. Mais les apparences sont trompeuses; ce régime possède une cohérence qui lui est donnée par une classe politique jouant un rôle d’intermédiaire entre le pouvoir et la masse du pays. Sous sa forme la plus évoluée et la plus démocratique, le régime parlementaire reste oligarchique.

La constitution d’une classe politique demande plusieurs générations. L’origine de cette classe se trouve dans l’amalgame qui s’est réalisé dans les premiers parlements censitaires entre les représentants de l’aristocratie et de la bourgeoisie. L’homogénéité de ce milieu politique reposait d’abord sur une acceptation unanime du régime économique du capitalisme; elle était renforcée par une certaine communauté idéologique entre une aristocratie où demeurait vivace une tradition libérale d’opposition au pouvoir royal et une bourgeoisie imprégnée des doctrines modernes du libéralisme politique. Le recrutement de la classe politique s’est considérablement élargi lors de l’introduction du suffrage universel. L’étape essentielle de cette transformation se situe au moment où les partis ouvriers (et parfois les partis paysans) ont obtenu une représentation parlementaire importante. En fait, les nouveaux venus ont été souvent absorbés par la classe politique traditionnelle.

La composition sociale de la classe politique est extrêmement diverse. Son «noyau dur» est constitué par les parlementaires; on a pu, à leur égard, parler de «professionnels de la politique». Mais, dans les régimes parlementaires modernes, la classe politique englobe aussi les militants des partis et les représentants des principaux groupes de pression (en particulier les dirigeants des syndicats ouvriers et patronaux). Il faut y ajouter toutes les personnes qui, par leurs fonctions, participent à des décisions politiques (hauts fonctionnaires, membres de cabinets ministériels). En fait, les catégories sociales privilégiées disposent d’une sur-représentation au niveau de la classe politique. En dépit de cette diversité socio-politique, la classe politique a pu maintenir une unité d’ordre idéologique.

La classe politique remplit deux fonctions qui paraissent contradictoires: elle assure, d’une part, la représentation des multiples forces politiques aux intérêts opposés; elle doit s’efforcer, d’autre part, de dégager une volonté politique cohérente. Il lui faut refléter les intérêts et aspirations idéologiques du pays, puis en assurer l’interprétation et la conciliation. C’est au sein du milieu parlementaire que ce rôle de médiation apparaît clairement. Il s’agit d’ailleurs moins d’effectuer des choix politiques tranchés que de rechercher une conciliation entre des intérêts opposés. Cette volonté de compromis est l’essence même du parlementarisme.

Toutefois, au niveau du pays, les règles du jeu au sein de la classe politique ne sont pas comprises; lorsque l’opinion publique s’empare d’un problème, les indispensables concessions mutuelles ne peuvent plus être consenties par les négociateurs, car elles sont considérées comme des abandons par les groupes sociaux intéressés. Ainsi continue à se justifier l’exclusion de toutes les procédures de démocratie directe dans la plupart des régimes parlementaires les plus modernes.

Régime du passé ou régime d’avenir?

Il est évident que le régime parlementaire trouve son terrain d’élection dans des pays hautement développés sur les plans économique et intellectuel. La compréhension des mécanismes du régime parlementaire nécessite un niveau de formation politique déjà élevé; le fonctionnement du régime repose sur des règles subtiles telles que la représentation, la loi de la majorité, le respect de l’opposition.

Par là même, il s’agit d’un régime fragile. Lorsque les masses font brusquement irruption dans le jeu politique jusqu’alors confiné au sein de la classe politique, en raison d’une crise de portée nationale (la crise linguistique belge, par exemple), les mécanismes parlementaires se révèlent impuissants.

Les régimes parlementaires paraissent enfin médiocres et sans grandeur parce que la base ne comprend plus le jeu ésotérique des oligarchies qui la dirigent. Le régime perd alors ses fondements sociaux et les institutions apparaissent comme des machines qui tournent à vide. Là se situe sans doute le véritable danger qui menace l’avenir des régimes parlementaires.

2. Analyse des principaux régimes

Régimes parlementaires européens

Les régimes parlementaires sont historiquement de trois sortes. Un certain nombre d’entre eux sont des monarchies auxquelles une évolution historique progressive a donné une forme parlementaire. Mais il existe aussi deux républiques parlementaires qui ont été instituées après la fin de la Seconde Guerre mondiale pour servir de cadre à la reconstruction politique de deux pays vaincus: la République fédérale d’Allemagne et l’Italie. Le régime parlementaire a enfin servi de cadre à la reconversion démocratique de dictatures déchues.

Monarchies parlementaires traditionnelles

La Grande-Bretagne est le modèle parlementaire le plus ancien et le plus célèbre. Mais il n’est peut-être pas le plus caractéristique. Les monarchies parlementaires d’Europe du Nord (Belgique, Pays-Bas et surtout Scandinavie) ont des chances de se rapprocher davantage du type «idéal» de régime parlementaire, tel que l’ont rêvé les théoriciens du XIXe siècle.

La Grande-Bretagne

Du point de vue constitutionnel, le parlementarisme britannique se caractérise par un certain nombre d’originalités.

D’abord, il n’est pas établi par une constitution, au sens strict du terme. Le droit constitutionnel anglais a sa source dans un mélange de lois ordinaires et de coutumes, les unes et les autres étant d’ailleurs parfois fort anciennes.

Ensuite, dans l’organisation des pouvoirs publics, les institutions anglaises offrent un curieux mélange d’organes modernes et d’institutions archaïques. Ainsi, au sein de l’exécutif coexistent un cabinet qui est le centre véritable du pouvoir et une «Couronne» dont le rôle est nul. Même le bicaméralisme demeure au sein du Parlement. À côté de la Chambre des communes, élue par le peuple au suffrage universel direct (au scrutin majoritaire à un tour), se trouve une Chambre des lords dont le recrutement est divers, mais en tout cas aristocratique, et qui n’a pratiquement plus de pouvoirs; les lois financières ne lui sont même plus soumises et elle n’a, à l’égard des autres lois, qu’un droit de veto suspensif.

Enfin les rapports entre les pouvoirs publics ne se caractérisent pas par un équilibre fait de checks and balances (poids et contrepoids) comme l’enseigne encore une partie de la doctrine française, mais par la toute-puissance du cabinet.

Le cabinet, d’abord, est totalement libre vis-à-vis du roi. Il n’en dépend pas dans sa nomination. Le roi, certes, désigne le Premier ministre, mais il est obligé de choisir le chef du parti majoritaire aux élections. Quant aux pouvoirs qui sont ceux de l’exécutif, ils sont entièrement passés dans les mains du cabinet; le roi ne rédige même plus le discours du Trône. En revanche, le Parlement est totalement subordonné au cabinet. Du fait du bipartisme, le Premier ministre est en effet nécessairement le chef d’une majorité cohérente et disciplinée. Dès lors, les mécanismes juridiques prévus pour organiser les rapports entre les pouvoirs publics ne jouent plus ou ont changé de sens. Ainsi, il n’y a pratiquement plus de propositions de loi d’origine parlementaire: le cabinet a en fait, bien qu’il ne l’ait pas en droit, le monopole de l’initiative législative. De même, la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement n’a plus de raison de jouer; et si le droit de dissolution est toujours utilisé, ce n’est pas dans la perspective d’un conflit entre le gouvernement et la Chambre des communes: c’est pour permettre au Premier ministre et à sa majorité de choisir une date favorable pour les nouvelles élections.

Du point de vue politique, le parlementarisme britannique repose traditionnellement sur le bipartisme. À la vieille division des débuts du capitalisme entre tories et whigs (conservateurs et libéraux) a en effet succédé celle entre conservateurs et travaillistes (les libéraux ont d’ailleurs mis assez longtemps à disparaître; entre 1920 et 1940, la Grande-Bretagne a connu de ce fait une parenthèse de tripartisme). Il s’agit en principe d’un bipartisme de classe. Le Parti conservateur représente l’establishment bourgeois tandis que le Parti travailliste incarne le prolétariat: c’est en effet un parti indirect fondé essentiellement sur les Trade Unions. Il convient toutefois de remarquer que les deux partis se ressemblent dans leur structure: le Parti conservateur a partiellement adopté les techniques des partis de masse; surtout ils tendent à se ressembler dans leur doctrine: le Parti travailliste ne met plus sévèrement en cause le régime capitaliste, il se contente d’un réformisme de bonne compagnie.

Ce parlementarisme bipartisan fonctionne selon des modalités qui font l’admiration inconditionnelle de beaucoup de juristes français, ceux-ci accordant en effet au régime anglais trois mérites: la stabilité, l’alternance harmonieuse, la démocratie. À la vérité, l’examen des modalités de fonctionnement du régime britannique conduit à apporter, à ces points de vue, d’assez fortes nuances.

Il n’y a pas d’alternance régulière au pouvoir des deux grands partis, mais bien plutôt domination de l’un des deux, entrecoupée par de brefs passages de l’autre au pouvoir. La stabilité est conditionnée par l’incapacité – qui peut ne pas être définitive – des petits partis (nationalistes, alliance des libéraux et des sociaux-démocrates) à mettre en cause la majorité absolue du parti vainqueur.

L’aspect démocratique du système viendrait de ce que les électeurs, qui connaissent à l’avance les chefs des deux partis, éliraient en fait directement le Premier ministre. L’explication est séduisante, mais elle n’est malheureusement pas exacte, car, entre les électeurs et le choix du chef du parti, s’intercale l’oligarchie partisane, la classe politique. Le régime britannique, comme tout régime parlementaire, reste fondamentalement, et à tous les sens du terme, représentatif.

L’Europe du Nord

Les différents pays de l’Europe du Nord qui vivent en régime parlementaire (Suède, Norvège, Danemark, Pays-Bas, Belgique) ont en commun d’avoir conservé la forme de la monarchie. Mais leur ressemblance va bien au-delà de cet élément purement formel. Dans une large mesure, en effet, l’Europe du Nord constitue, au sein des régimes parlementaires, une catégorie autonome, à mi-chemin du parlementarisme à l’anglaise et du parlementarisme à la française.

Du point de vue historique, l’institution du parlementarisme a rempli sa fonction classique de transition pacifique entre deux états sociaux et de moyen de coexistence entre deux classes rivales. En Suède (1809) et au Danemark (1849), le parlementarisme fut la synthèse d’une lutte, qui d’ailleurs avait été fort longue, entre la tradition absolutiste de la monarchie et l’idéologie libérale de la bourgeoisie. Dans les autres cas, le parlementarisme remplit la même fonction fondamentale, mais avec des modalités un peu différentes; il fut en effet la forme juridique que prirent des États nouvellement indépendants dans des sociétés politiques déjà anciennes, où se faisait sentir le poids de traditions politiques diverses et dont la structure sociale était hétérogène. C’est ce qui est arrivé en 1814 aux Pays-Bas définitivement libérés de l’occupation française et à la Norvège devenue indépendante de la Suède, et en 1830 à la Belgique (indépendance vis-à-vis des Pays-Bas).

Du point de vue juridique, le parlementarisme est né, dans tous les cas, sur la base de constitutions établissant une monarchie limitée. Ces textes sont assez analogues aux Chartes françaises et à la Constitution de 1875. Ils n’établissent pas en droit strict un régime parlementaire (ainsi, il est constamment édicté que les ministres sont responsables, mais aucun texte ne dit devant qui), mais ils en prévoient tous les éléments: irresponsabilité du monarque, contreseing, pouvoirs législatif et de contrôle conférés au parlement. C’est la coutume constitutionnelle qui établira les règles du jeu parlementaire. Du point de vue de l’organisation actuelle du régime parlementaire, les pays scandinaves ont l’originalité d’avoir éliminé le bicaméralisme: la Norvège dès l’origine, le Danemark en 1953, la Suède en 1969. La Norvège, d’autre part, ne connaît pas le droit de dissolution.

Tous les pays de l’Europe du Nord ont un multipartisme limité. Actuellement, la Belgique en reste au tripartisme (chrétiens-sociaux, libéraux, socialistes). Le quadripartisme existe au Danemark (conservateurs, «gauche» qui est le parti des classes moyennes conformistes, radicaux, socialistes) et en Suède (conservateurs, libéraux, agrariens, socialistes). La Norvège a cinq partis principaux (conservateurs, libéraux qui portent le nom de «gauche», «centre» agrarien, travaillistes, Parti chrétien du peuple) ainsi que les Pays-Bas (catholiques, antirévolutionnaires et chrétiens historiques qui sont deux partis protestants, libéraux, socialistes).

Les pays de l’Europe du Nord se situent de la sorte entre les deux modèles «extrêmes» que constituent les parlementarismes britannique et français. Mais les pays scandinaves sont plus proches du premier, la Belgique et les Pays-Bas du second.

Les pays scandinaves, et notamment la Suède et la Norvège, ont longtemps présenté une originalité, en même temps qu’un élément non négligeable de stabilité; le Parti socialiste y avait la position de parti dominant. Pendant plus de quarante ans (en dehors des années 1976-1982), il a à peu près constamment occupé le pouvoir, soit qu’il dispose de la majorité absolue, soit que ne l’ayant pas tout à fait il s’allie avec un petit parti (généralement le parti agrarien) ou gouverne seul en qualité de gouvernement minoritaire. Cependant, le système est peut-être en train de perdre de son originalité pour se rapprocher du type bipartisan. Au Danemark, il existe, depuis longtemps déjà, des alliances dualistes (conservateurs-gauche, contre radicaux-socialistes). En Suède et en Norvège, les partis bourgeois sont parvenus depuis quelques années à former des alliances solides qui prétendent à l’alternance avec les socialistes: c’est une alliance de ce type qui a été au pouvoir de 1965 à 1971 à Oslo.

La Belgique et les Pays-Bas sont à certains égards proches du parlementarisme à la française. Les cabinets sont difficiles à constituer, rarement homogènes, et leur politique se caractérise souvent par l’immobilisme.

Régimes parlementaires instaurés depuis 1945

La république fédérale d’Allemagne

Les originalités juridiques consistent essentiellement dans des mécanismes de rationalisation tendant à assurer la stabilité du chancelier. Sa nomination obéit en effet à des règles inédites qui s’expliquent par la volonté de fonder l’autorité du chancelier sur une majorité solide: le président présente d’abord un candidat au vote du Bundestag. Si le candidat n’obtient pas l’investiture à la majorité absolue, le président perd sa compétence qui passe au Bundestag lui-même. Ce dernier peut alors, à deux reprises, essayer d’élire un chancelier à la majorité absolue. En cas d’échec, la compétence revient au président qui peut soit nommer le candidat ayant obtenu la majorité relative, soit dissoudre le Bundestag.

Une procédure tout aussi spécifique existe pour la responsabilité du gouvernement. Ce dernier est toujours présumé majoritaire, et le Bundestag ne peut renverser cette présomption (et donc le gouvernement) qu’en élisant un nouveau chancelier à la majorité absolue. Mais les constituants ont bien senti ce que cette majorité forcée pouvait avoir d’artificiel. Aussi ont-ils donné des moyens d’action, d’ailleurs quelque peu dangereux, à un chancelier qui, bien que non renversé, n’aurait en fait plus de majorité pour le vote de ses projets de lois; ce chancelier a le pouvoir, avec l’accord du président et du Bundesrat, de proclamer pour six mois l’«état de nécessité législative» lui permettant de légiférer autoritairement. Il peut aussi dissoudre le Bundestag.

Les procédures juridiques de secours n’ont pas eu à jouer pour l’instant, dans la mesure où une structure politique simple a à peu près assuré la stabilité des gouvernements de la R.F.A. L’Allemagne de l’Ouest comprend en effet quatre partis représentés au Parlement: l’Union démocrate-chrétienne (C.D.U.), le Parti socialiste (S.P.D.), et le Parti libéral (F.D.P.), ce dernier étant beaucoup plus petit que les deux autres et les «Verts» (il existe aussi un Parti communiste, mais le Tribunal constitutionnel l’a interdit). Pendant près de vingt ans, la C.D.U. a été le parti dominant du régime et a exercé le pouvoir, généralement avec l’appui des libéraux. Mais, depuis 1961, les élections tendaient à estomper cette domination. De 1966 à 1969, la C.D.U. a dû se résoudre à la «grande coalition» avec son rival socialiste. Après les élections de 1969, les libéraux et les socialistes ont occupé conjointement le pouvoir. Les élections de 1972 ainsi que celles de 1976 ont confirmé cette formule qui a été abandonnée en 1982 lorsque les chrétiens-démocrates ont formé le nouveau gouvernement avec les libéraux.

La République italienne

L’Italie avait déjà connu, de 1848 à 1922, un régime parlementaire, dont le caractère oligarchique était particulièrement marqué. Mais, après la longue interruption due au fascisme, il fallait repartir sur de nouvelles bases. Un référendum, d’abord, abolit la monarchie. Puis l’Assemblée élue le 2 juin 1946 donna à la république la forme parlementaire. Ici encore le parlementarisme contient juridiquement des aspects spécifiques, qui s’expliquent par un souci de modernisation et de rationalisation. Ainsi les deux Chambres sont-elles recrutées de façon également démocratique et ont-elles les mêmes pouvoirs, ce qui met d’ailleurs dans une situation inconfortable le gouvernement, responsable devant l’une et l’autre. Il existe par ailleurs des procédures de démocratie directe (référendum abrogatif des lois, initiative populaire), et une partie du pouvoir législatif est déléguée aux commissions parlementaires. Mais ici particulièrement, le fonctionnement du régime est très proche du parlementarisme «à la française».

L’Italie connaît un multipartisme assez développé. Il existe d’abord plusieurs partis bourgeois; la Démocratie chrétienne est le plus important, mais s’y ajoutent deux petits partis laïcs: le Parti libéral et le Parti républicain. À gauche, on trouve le Parti communiste, qui est le plus fort de l’Europe capitaliste (27 p. 100 des électeurs environ) et dont l’effort idéologique a été depuis des années très remarquable, un Parti socialiste, réformiste, d’ailleurs constamment divisé en plusieurs tendances, ainsi que le Parti socialiste démocratique et le Parti socialiste italien d’unité prolétarienne. L’extrême-droite, enfin, s’exprime au Parlement par l’intermédiaire d’un petit parti monarchiste et du parti néo-fasciste (M.S.I.).

Jusqu’en 1953, ce multipartisme a fonctionné de façon relativement stable, du fait de la domination de la Démocratie chrétienne, qui a gouverné l’Italie avec l’appui du Parti libéral, du Parti républicain, et du Parti socialiste démocratique italien de Giuseppe Saragat. Mais ce quadripartisme fut bientôt condamné par le recul électoral des partis gouvernementaux. Il se survécut quelques années au milieu des crises ministérielles. Devant l’immobilisme ainsi engendré, la Démocratie chrétienne dut se résoudre, à partir de 1962, à une autre formule, celle de l’«ouverture à gauche» en direction des socialistes, qui n’a donné que des résultats décevants, et se heurte du reste à l’hostilité des démocrates-chrétiens les plus à droite, à la méfiance du Vatican et à la réserve d’une partie des socialistes.

Espagne, Portugal et Grèce

Après la disparition de leurs dictatures dans les années 1974-1975 (mort de Franco, «révolution des œillets», destitution des colonels), l’Espagne, le Portugal et la Grèce ont adopté le régime parlementaire, sous la forme de monarchie (Espagne) ou de républiques. Sur le plan des principes, cela correspond tout à fait à la fonction de transition du parlementarisme. Quant aux modalités, il est à noter que l’Espagne et le Portugal ont été marqués par la tendance au renforcement du rôle du chef de l’État. Le président portugais, élu au suffrage universel, a le pouvoir de révoquer le gouvernement. Et le roi d’Espagne, qui commande l’armée, est qualifié par la Constitution d’arbitre et de gardien de l’ordre consititutionnel. L’Espagne, en outre, a adopté, en ce qui concerne la responsabilité gouvernementale, la rationalisation dont elle a trouvé le modèle dans la Constitution de la R.F.A.

Les régimes parlementaires européens ont rempli une mission historique de premier ordre. On peut toutefois se demander s’ils ne se trouvent pas confrontés à de sérieuses difficultés. La lutte des classes est parfois très grave pour certains régimes parlementaires, et notamment pour ceux qui ont la réputation de fonctionner le plus harmonieusement, telles la Grande-Bretagne, la R.F.A. et la Suède. Dans ces pays, les partis communistes ne sont pas représentés au parlement; de ce fait, ceux-ci sont des clubs où l’on est entre gens du même monde et où l’on peut toujours former une majorité. Mais ils risquent aussi de devenir des milieux politiques fermés, complètement coupés de la population. De là l’éclosion possible de luttes de classes sauvages, extra-parlementaires, dont la Grande-Bretagne fournit déjà des exemples.

Régimes parlementaires hors d’Europe

Beaucoup de pays non européens ont adopté la forme parlementaire. Mais cette adoption a des significations fondamentalement différentes. Dans les anciens dominions britanniques qui constituaient des colonies de peuplement européen, le régime parlementaire a été simplement transposé, sans que sa nature profonde ait été changée. En revanche, dans les autres pays, le parlementarisme, transplanté dans un contexte totalement autre que celui qui, en Europe, lui avait donné naissance, a été altéré à la fois dans ses techniques et dans sa signification.

Pays du Commonwealth britannique

L’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada sont d’anciennes colonies de peuplement européen, essentiellement britannique, dont le niveau de développement est, en outre, au moins équivalent à celui de la Grande-Bretagne. Le régime parlementaire de type anglais a donc pu y être importé, avec ses mécanismes et son idéologie originels. De fait, ces trois pays ont un régime constitutionnel calqué sur le modèle britannique. La Couronne – car la reine d’Angleterre règne théoriquement aussi sur les pays du Commonwealth – y est représentée par un vice-roi ou gouverneur général. Le parlement est composé de deux Chambres dont l’une au moins est élue au suffrage universel direct. Et le pouvoir exécutif est détenu par un cabinet responsable devant la Chambre basse qu’il a le droit de dissoudre.

Cela dit, ces trois pays présentent des caractères socio-économiques qui les différencient assez profondément de la métropole d’origine. D’abord, deux d’entre eux sont très vastes et assez peu peuplés par rapport à leur superficie. Surtout, il s’agit de pays de «pionniers», où l’installation des Européens est récente. Il y règne dès lors un capitalisme «simple», dont l’expression socio-politique n’est pas, comme en Grande-Bretagne, compliquée par des siècles de sédimentation sociale. Ces pays n’ont pas connu la lutte entre l’aristocratie et la bourgeoisie. De ce point de vue, ils se rapprochent plus du modèle américain que du modèle britannique.

Cela explique que le parlementarisme de ces pays du Nouveau Monde ne soit pas exactement le même que celui qui existe à Londres. La Nouvelle-Zélande, certes, reproduit à peu près exactement le régime parlementaire à l’anglaise. Le Canada et l’Australie présentent toutefois un certain nombre d’originalités, à la fois juridiques et politiques, généralement communes à ces deux pays, mais parfois particulières à l’un d’eux: recrutement partiellement censitaire de la seconde Chambre canadienne, existence d’une Cour constitutionnelle, liée à la structure fédérale, bipartisme moins strict qu’en Grande-Bretagne.

Autres pays

Dans certains cas, le régime parlementaire est l’élément d’une mutation politique. Il a été adopté par plusieurs pays d’Afrique et d’Asie (Inde, pays d’Afrique noire d’expression anglaise) qui y ont vu le moyen, lors de leur accession à l’indépendance, d’assurer le passage progressif et prudent entre les structures coloniales et féodales qui étaient les leurs et la démocratie industrielle qui est leur objectif. Le cas d’Israël est un peu analogue: le parlementarisme y a été considéré comme la forme politique la plus adaptée à la construction d’un pays où devaient cohabiter des hommes dont la seule unité était d’ordre ethnique et religieux, mais venant de pays aux traditions politiques les plus diverses.

Parfois, le parlementarisme a une fonction déjà différente: il est le remède à une crise. Ainsi, entre 1961 et 1963, le Brésil a-t-il été un État parlementaire pour éviter une dictature militaire qui a tout de même fini par s’installer. De même, dans la Turquie de 1960, lorsque les militaires voulurent, après avoir renversé la dictature de Menderes, rendre le pouvoir aux civils, le parlementarisme leur parut être le moyen le plus convenable d’installer une démocratie à peu près libérale.

Il arrive enfin que le parlementarisme ne soit qu’un régime transplanté artificiellement et chargé d’assurer le camouflage d’une dictature. C’était la situation de la Grèce entre 1952 et 1967: avant la dictature militaire, le régime était déjà un fascisme de fait sous le masque du régime parlementaire.

De même, en Afrique du Sud, le milieu parlementaire est une sorte de cercle politique permettant d’assurer tout à la fois la libre discussion entre Blancs et l’oppression des Noirs. Enfin, dans le Japon de 1945, le parlementarisme a été le camouflage démocratique imposé par les Américains et à l’abri duquel la grande industrie capitaliste continue d’exercer, de façon quasi féodale, un pouvoir illimité.

Aménagé dans la perspective d’une société du XXe siècle, le régime parlementaire peut encore assumer le rôle historique de mutation pacifique qui a été le sien dans l’Europe du XIXe siècle. Force est de constater que de nombreux pays rendent à cette mission un hommage purement formel et utilisent le parlementarisme comme alibi d’une dictature ou d’un féodalisme de fait.

Régime parlementaire régime politique de séparation et de collaboration des pouvoirs, dans lequel les ministres sont responsables devant le Parlement.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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